Le digital pour un commerce international plus écoresponsable

Introduction : quelques coups de pieds aux idées reçues…

Le commerce international et l’export ont toujours été des moteurs essentiels de la croissance économique des pays, mais ils ont également été liés à des problèmes environnementaux croissants. Lors de l’Université d’Été de l’Internationalisation des Entreprises (UEIE 2023) organisée par l’OSCI la semaine dernière à Marseille, j’ai assisté à l’intervention de Carine Kraus, Directrice Engagement du Groupe Carrefour. Si le groupe a pris des dispositions afin de rendre son activité plus écoresponsable – notamment via une plus forte anticipation, l’adoption d’emballages recyclables et un engagement climat – force est de constater que les émissions carbones directes engendrées par les magasins physiques et les émissions indirectes provoquées par les produits commercialisés restent élevées pour le groupe. Si nous prenons ce cas de figure, on se rend compte que le retail reste polluant malgré les efforts et la bonne volonté des entreprises. Mais ce n’est pas tout !

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Si l’on se penche sur le secteur de la construction, on s’aperçoit que ce dernier représente plus de 30% des émissions carbone, comme le précise Marie Godard-Pithon, Directrice Performances et Investissements du Groupe Vicat qui était également présente à l’UEIE 2023. Le groupe, qui opère dans l’industrie du béton dans 12 pays, affirme qu’investir dans la décarbonation est maintenant nécessaire pour tous les acteurs du secteur, au sein duquel la majorité des émissions sont dues au transport. Si ces derniers proposent désormais des produits décarbonisés, la demande reste encore trop faible, ce qui représente un paradoxe face à l’importance croissante de la question climatique dans ce domaine au niveau global. De plus, le groupe se heurte à un mur financier dressé par la disparition imminente du quota gratuit, et l’obligation prochaine pour les entreprises de payer des taxes liées à leurs émissions de Co2, à moins d’être capables de les compenser ou recycler correctement.

De même, on désigne souvent les transports aériens comme étant parmi les plus grands pollueurs, nous incitant ainsi à limiter nos déplacements en avion. Or, ces derniers ne représentent en réalité que 2% des émissions carbones…

Et si la solution était tout simplement d’arrêter l’export ?

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Selon Arnaud Montebourg, qui a animé l’une des plénières de l’UEIE 2023, il faudrait fragmenter le commerce international par pays ou par région plutôt que d’opter pour l’export à grande échelle. Si l’idée mérite réflexion, Jean-Marie Paugam, Directeur Général Adjoint de l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC), qui était aussi présent à l’événement, émet une objection. En effet, dans un monde où la propriété intellectuelle et la R&D ont une importance croissante, la fragmentation ne permettrait pas le partage d’innovations qui pourraient être bénéfiques à l’échelle mondiale. Au contraire, il faudrait réinventer, par exemple, la voiture électrique dans chaque pays où région, ce qui coûterait bien plus cher. Autre objection de M. Paugam : l’argument économique. La fragmentation du commerce international ne permettrait pas d’atteindre les volumes nécessaires à l’amortissement des investissements pour le développement de nouveaux produits, ni de réaliser des économies d’échelle, produisant ainsi une augmentation considérable du coût de la vie en général.

La transition écologique du commerce international passe par le digital !

Il y a deux aspects à prendre en compte pour expliquer cette affirmation : la contribution du numérique à la chaîne de valeur du commerce international et son impact sur les émissions carbones. En ce qui concerne le premier aspect, le digital a révolutionné plusieurs éléments du commerce international :

✅ La Supply Chain, avec notamment les places de marché B2B en ligne, où les entreprises peuvent identifier et négocier avec des fournisseurs du monde entier tout en exploitant la blockchain pour garantir la traçabilité et la sécurité des transactions.

✅ La fabrication des produits, grâce à la robotique ou encore à l’intelligence artificielle (IA) qui ont créé des usines « intelligentes », améliorant la productivité et les conditions de travail dans le monde entier.

✅ La logistique et la distribution, à travers les solutions IoT et GPS qui permettent d’optimiser les itinéraires, les stocks, l’entreposage et le suivi des expéditions en temps réel tout au long de la livraison.

✅ Les opérations douanières avec, par exemple, les systèmes cloud, l’EDI et la numérisation des documents qui simplifient et accélèrent les procédures transfrontalières.

✅ La vente, avec évidemment l’arrivée du commerce électronique et des marketplaces. Ces derniers sont des canaux de vente additionnels pour les entreprises, qui peuvent atteindre directement les acheteurs mondiaux en diminuant le nombre d’intermédiaires, en réduisant les coûts et en améliorant les relations avec les clients, qui sont désormais plus rapprochées.

✅ Le marketing, notamment via les médias sociaux, les publicités en ligne, l’emailing, les outils Analytics ou encore le CRM, qui permettent d’analyser les tendances et de segmenter la clientèle de façon plus ciblée. En résulte l’amélioration de la performance des offres et de la vente à l’international.

✅ Le service client grâce aux chatbots, à l’IA, ou encore aux plateformes d’aide en libre-service qui sont en mesure de fournir une assistance multilingue en temps réel et sur différents fuseaux horaires. On peut également évoquer les outils pour les diagnostics à distance, la maintenance prédictive et les capteurs IoT, qui facilitent la surveillance des produits en minimisant les temps d’arrêt et en améliorant la satisfaction des clients.

Concernant le second aspect, un constat s’impose : le numérique n’est pas écoresponsable et le numérique pour l’export non plus. Comme Ludovic Subran, Chef Économiste chez Allianz qui était aussi présent à l’événement, l’a évoqué, les émissions carbones engendrées par le digital sont 3 fois supérieures à celles générées par les transports aériens. En cause, les émissions dues à l’électricité nécessaire au maintien des différents systèmes, qui tendent à s’intensifier avec le développement des cryptomonnaies et de l’IA demandeuses en énergie, mais aussi les matériaux utilisés pour fabriquer les appareils informatiques ou mobiles. La pollution engendrée par ces appareils, leur transport, les magasins de distribution ainsi que par leurs cycles de vie réduits seraient aussi la cause de ce niveau élevé d’émissions carbone. Malgré cela, une étude menée par Allianz sur le sujet souligne que les perspectives de décarbonisation sont meilleures dans les TIC que dans d’autres domaines.

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En effet, plusieurs grandes entreprises du secteur se sont déjà fixées des objectifs de neutralité carbone, qui concordent avec la trajectoire de décarbonisation de 1,5°C. Le mix électrique, qui consiste à augmenter la part d’électricité issue de ressources renouvelables plutôt que d’énergies fossiles dans l’alimentation des différents systèmes, sera également primordial dans cette démarche. Cependant, et c’est un avis que je partage avec Allianz et Ludovic, la décarbonation du digital, notamment lorsque l’utilisation des consommateurs entre en jeu, ne se fera pas sans l’appui des pouvoirs publics. Si nos comportements en tant que consommateurs changent, et si la transition numérique des entreprises est mieux gérée, nous pourrons réduire de manière significative l’empreinte carbone du digital dans le commerce international, sans pour autant avoir à stopper les exportations.

Concrètement, comment y parvenir ?

Comment réduire l’empreinte carbone du digital dans le commerce international

Bien que Ludovic ait souligné le manque de transparence quant à l’impact carbone réel du commerce international, le digital ouvre de nouvelles voies pour aborder ces défis environnementaux. Pour une stratégie numérique durable du commerce international, la démarche engagée des entreprises et des équipes est cruciale. Le parcours pourrait s’envisager sur plusieurs étapes :

  1. La première étape serait d’établir la pertinence environnementale des systèmes numériques utilisés par l’entreprise dans ses activités à l’international. Certains systèmes sont redondants, et recèlent un vrai potentiel de gain environnemental : a-t-on besoin d’avoir à la fois un mobile, une tablette, un PC fixe et un ordinateur portable lorsqu’actuellement, toutes les applications peuvent être utilisées depuis n’importe quel terminal ? Autre exemple : faut-il développer des applications mobiles natives, alors que les solutions PWA permettent de centraliser sur la même et unique plate-forme toutes les fonctionnalités d’un site web et d’une appli mobile ? Les applications PWA ont convaincu plusieurs grandes entreprises, telles que le média sportif l’Équipe. Cependant, force est de constater que les entreprises ont encore aujourd’hui tendance à dupliquer les canaux, en développant à la fois des applications natives et PWA. Pourtant, cela revient à dupliquer les émissions invisibles de carbone, là où un seul canal suffirait à répondre à l’ensemble des besoins des utilisateurs. Alors, plutôt que de succomber à la tendance de l’omnicanal, quitte à augmenter ses émissions carbone, ne serait-il pas temps d’opter pour une approche multicanale écoresponsable ?
  2. La deuxième étape consiste à évaluer la consommation des systèmes numériques déployés pour le commerce international, sur la base des bilans prévisionnels pour chaque projet. Il s’agit ici de comparer cette consommation avec les éventuelles économies réalisées via d’autres actions pour une efficacité identique.
  3. La troisième étape concerne la résilience des utilisateurs des systèmes numériques employés pour le commerce international, qui doivent intégrer la dimension environnementale de façon systémique dans chaque projet. Cela consiste à ce que chaque organisation, quelle que soit sa taille, fasse évoluer son approche du digital vers les « bonnes pratiques » individuelles et collectives contre l’obésité numérique, qui recherche constamment de nouveaux outils d’optimisation. Il est aujourd’hui indispensable pour les dirigeants de sensibiliser leurs équipes à l’impact des usages numériques, et à leur pertinence au regard du défi de décarbonation.
  4. La quatrième étape s’inscrit dans la continuité de la précédente, puisqu’elle consiste à élargir la résilience de manière holistique à toutes les parties prenantes intervenant dans la chaîne de valeur du commerce international de l’entreprise : les fournisseurs, les actionnaires, les clients, etc.
  5. Enfin, la transversalité de la gestion digitale pour mieux maîtriser les coûts d’opportunités est également une étape importante. Par exemple, en termes d’émissions carbone, les réunions en ligne sont bien moins polluantes que les déplacements internationaux par avion, qui sont non seulement moins accessibles du fait de leurs prix, mais aussi plus polluants. Les systèmes 3D constituent également une piste afin de maîtriser vos coûts de manière écoresponsable. En effet, ils vous donnent la possibilité de produire rapidement et à moindres frais des échantillons ou des prototypes qui n’auraient pu être réalisés en conditions réelles. En plus de vous donner un aperçu réaliste de votre projet, ces procédés sont également plus modulables et moins polluants que les maquettes physiques. Ainsi, en plus de limiter les émissions de CO2, le digital permet donc de travailler de manière globale et inclusive.

Cas pratique : le cloud et l’IA pour réduire l’empreinte carbone du digital

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Lors du Forum de la Transformation Digitale, qui a eu lieu en mai dernier à Casablanca et qui était dédié au Cloud, j’ai eu l’honneur de présenter quelques-uns des programmes de financement de la BERD pour aider les PMEs à déployer une transformation numérique durable. J’ai également eu la chance de débattre avec IDC, Orange, Huawei, Fortinet et d’autres experts internationaux au sujet des nouveaux défis de la transformation numérique : les conséquences environnementales que l’IA pourrait entraîner dans les mois… ou les semaines à venir ! Il existe déjà plusieurs milliers d’applications IA dans le monde, certaines apparues bien avant ChatGPT. Toutefois, il faut bien admettre que c’est cette application dont l’IA avait besoin pour que le grand public découvre, utilise et apprécie l’IA ! Ce qui m’intrigue le plus, ce sont les conséquences que cette consommation de masse de l’IA aura sur la technologie et l’infrastructure, car pour produire une IA de bonne qualité, il faut une grande quantité de données et des systèmes de calcul puissants auxquels seules quelques entreprises auront accès.

Aux vues de l’accélération de ces outils IA, les entreprises exportatrices pourraient penser qu’il vaut mieux développer leurs propres applications IA spécifiques. Cependant, la gestion des données Big Data, nécessaire à l’exploitation de l’IA, se révèle être extrêmement polluant s’il est effectué « on-premise », c’est-à-dire au niveau individuel et local par chaque entreprise. Afin de réduire l’empreinte carbone, le cloud externalisé permet plus de flexibilité, avec moins de coûts dus à l’achat et à la maintenance de serveurs physiques souvent énergivores. De plus, des fournisseurs de cloud respectueux de l’environnement peuvent aussi contribuer à réduire l’empreinte carbone en optant pour des équipements et des ressources énergétiques plus durables.

Les systèmes cloud présentent donc différents avantages en termes de RSE : le partage des ressources informatiques qui implique la réduction des composants informatiques et donc des émissions CO2, l’inclusion à l’échelle mondiale qui permet de collaborer de façon hybride depuis n’importe où dans le monde, l’agilité des entreprises pour s’adapter rapidement et facilement aux changements des marchés internationaux, une meilleure sécurisation des données grâce à une infrastructure solide pour assurer une cybersécurité plus complète, et la maîtrise des coûts à travers leur modèle de paiement à l’utilisation.

Conclusion : comment allez-vous agir ?

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Maintenant que vous avez une meilleure compréhension des enjeux et des opportunités offertes par le digital pour un commerce international plus respectueux de l’environnement, il est temps d’agir. Cela sera non seulement bénéfique pour la planète, mais aussi pour votre entreprise, qui fera peut-être office de pionnier dans l’application de mesures plus écoresponsables, et dans la sensibilisation aux enjeux climatiques dans votre secteur d’activité.

Et vous, quelles solutions digitales allez-vous privilégier pour transformer votre activité avec les marchés étrangers de manière écoresponsable ?


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